Dennis Bergkamp est un des plus grands Esthètes du Foot de tous les temps. Striker mythique des Gunners de la belle époque, ceux qui gagnaient des choses, le batave, de par sa technique parfaite et son calme chirurgical, incarne en effet l’esthétisme footballistique le plus total. Un geste suffit à résumer en à peine quelques secondes tous les éloges que l’on pourrait faire du joueur qui flippait de prendre l’avion. Et pourtant, niveau gestes « aériens », le « non-flying Dutchman » était plutôt à l’aise. Rappelez-vous.
3 mars 2002, Arsenal-Newcastle. On joue alors la 11è minute de jeu quand Patrick aka « le long » Vieira récupère le cuir à 30m de son but côté droit et le transmet à Bergkamp. Le Hollandais écarte côté gauche sur Robert Pirès et se projette rapidement vers l’avant pour jouer le contre. L’homme qui ne changeait pas de slips tant qu’il gagnait en EdF remonte alors le terrain et lève la tête. Sur le front de l’attaque, l’appel de Bergkamp est bon, le batave prenant même le temps de lever les bras au ciel en mode: « envoie moi ça Robby, je vais taper un truc de dingue ». Enfin, quelque chose dans le genre.
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Le Français sert son partenaire d’une passe appuyée de 30m, d’un de ces ballons que vous ne mettrez jamais à Dennis Oliech. Bergkamp reçoit le cuir légèrement en retrait, dos au but dans l’arc de cercle de la surface de réparation adverse, et avec Nikos Dabizas arrivant dans son dos. Cadeau. Certainement conscient de la virile réputation des Grecs, Bergkamp réalise alors LE geste qui restera dans les mémoires et qui le fera entrer au Panthéon du football.
The Magician contrôle le ballon du pied gauche d’une sorte de râteau pour le lever et le faire passer sur sa droite, et sur celle de ce bon vieux Nikos. En même temps, il se retourne vers la gauche pour contourner son vis à vis, réalisant « fingers in the nose » un grand pont sur un simple toucher de balle.
Nikos, mais c’est grec ça ?
La suite du geste a la froideur d’un sniper. Elle vient compenser la chaleur étouffante du contrôle. Bergkamp reprend appui, se débarrasse à l’épaule/au bras de son bodyguard Grec revenu sur lui et ouvre son pied avant la sortie du portier adverse. Le cuir part de loger en plein petit filet devant la mine désabusée du gardien de Newcastle, héros tragique encore inconscient du caractère quasi mythique de la scène à laquelle il vient de prendre part malgré lui.
Ce but, élu par les fans comme le plus beau but de l’histoire d’Arsenal en 2009, restera le symbole du jeu de Bergkamp, un joueur capable en un geste instinctif d’inventer un dribble surréaliste. Tellement surréaliste qu’il n’a pas de nom, et qu’on lui a donc donné celui de son créateur: la « Bergkamp ».